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    Il était une fois, dans un bois de 
feuillus,  un étrange petit être…Il avait pour habitude, tous les 
matins, dès que le voile de la brume s'était dissipé, de venir s'asseoir au pied 
d'un arbre.
 Ce n'était pas n'importe quel arbre ! Il avait d'étranges 
pouvoirs, prétendait-on dans la forêt :
 - Il pouvait réaliser les rêves les plus fous, les plus insolites…
 Aussi, le petit être s'asseyait-il et implorait-il l'arbre de changer sa 
vie…elle était si triste sa vie !
 Il priait aussi le ciel, mais rien n'y 
faisait. Ses larmes s'étaient transformées en un petit lac d'eau salée où nulle 
vie ne fleurissait jamais.
 
 Un jour, où le soleil hésitait à se lever et que la 
    pénombre ralentissait ses pas, il vit une lueur phosphorescente au pied de 
    son arbre : comme une luciole bleuâtre. Il se pencha et constata la présence 
    d'une petite fleur bleue
 
 - Jamais auparavant, il n'en avait vu de 
semblable ! 
 
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 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   Il se coucha sur la mousse, faisant fi de son 
    habit, et l'observa silencieusement…Elle 
    était belle, pimpante et cependant, elle semblait fragile dans sa robe 
    couleur de ciel !
 
   Il lui 
    dit :  "  Bonjour … "   mais la fleur ne bougea pas d'un 
    pétale.
   Alors il s'enhardit, et doucement souffla 
    :       
    ffffffeeeeeeee…       Les pétales, 
    aussitôt, se mirent à trembler comme les ailes d'un papillon. Il éclata de 
    rire… c'était la première fois depuis des siècles qu'il riait! Amusé, il 
    s'approcha un peu plus et déposa un baiser sur le cœur de la fleur 
    bleue.
 Là, il y eût comme une tornade;  tout se mit à tournoyer 
    devant lui :
 - une lumière bleu  argenté grandissait… 
    grandissait…
 Pris de peur, il recula de quelques pas et instinctivement 
    ferma les yeux. Quand il les ouvrit, devant lui, se tenait un autre étrange 
    personnage.
 
 
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       Elle ressemblait à la princesse des 
  contes de fées de son enfance !Vêtue d'une robe de soie bleue, elle avait 
  l'air, comme la petite fleur, douce et charmante - cette petite fleur qui 
  l'avait séduit - Mais ce personnage était bien réel, vivant avec des émotions 
  et un cœur; il ne savait que faire, comment réagir : partir en prenant la 
  fuite ou rester pour la découvrir et l'apprécier… Il éprouvait tant de 
  sensations étranges après cette longue période de solitude !
 
 Il n'osait 
  croiser le regard de la jeune fille car elle le troublait et le 
  déstabilisait.Son désarroi se lisait sur son visage ; elle le remarqua et 
  comprit qu'elle ne lui était pas indifférente.
 Elle lui fit un sourire et 
  lui demanda :
 
  - Qui es-tu ? D'une voix 
  tremblante, il répondit 
  :            - Moi, c'est Pti Lutin, et toi, 
  qui es-tu ?       Elle répondit 
  :                 
        - Moi, c'est Fleurbleue, la 
  Princesse des baies  Les présentations étaient faites; un 
  doux rayon de soleil pénétra à travers le feuillage de la forêt pour caresser 
  le visage de ces deux êtres…
 
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    La princesse, pour se donner une contenance, 
défroissa sa robe de soie en esquissant des petits pas de danse, sur une musique 
audible que par elle-même. Elle faisait gonfler sa jupe en virevoltant autour de Pti 
  Lutin, profitant ainsi pour l'examiner sur toutes les coutures. Il avait belle allure !
 
 " Comme il est charmant avec son petit 
gilet en velours frisson, vert mousse ! Et ce petit chapeau à grelots, comme 
c'est ravissant… " 
 Elle le contemplait de toute sa 
  hauteur de Princesse des baies. Elle s'en rendit compte et ne put s'empêcher 
  de penser :    " C'est dommage qu'il soit si petit… 
"
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    Pti Lutin n'en 
  revenait toujours pas d'avoir été exaucé par son arbre.Mis en confiance par la douceur de Fleurbleue, 
  il arrêta de trembler et leva enfin son minois vers elle. Mais bien vite, il 
  le rabaissa 
  :
 - Comme elle était grande… le 
  triple de sa hauteur !!! Alors là, le désespoir le prit et 
  il s'assit sur un billot de bois, ses petites jambes ballantes, le visage 
  rembruni.
 Quand Fleurbleue le vit assis, encore plus petit, elle s'attrista 
  elle aussi…Elle 
  s'agenouilla devant lui pour être à sa hauteur, et plongea son regard dans 
  celui de Pti Lutin.
 A son tour d'être éblouie… elle se 
  retrouva dans les profondeurs sous-marines… ses yeux étaient d'un bleu 
  pailleté, étoilé…  Elle ne put prononcer une parole.             
                
            
          Deux grosses perles 
  d'eau, accrochées au bord des cils, roulèrent comme des billes sur les joues 
  du lutin lorsqu'il cligna des yeux pour la regarder… il était émerveillé, 
  séduit par cette jolie frimousse.Elle lui effleura le visage du 
  bout des doigts, afin de sécher ses larmes et le réconforter - ce qui 
  réchauffa le cœur du lutin qui vint blottir sa tête contre sa main 
  -
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        Il était si bien 
! comme il ne l'avait plus été depuis longtemps, c'était presque irréel 
:                   
- pourtant la chaleur dans son corps, et ce geste de tendresse, tout 
était bien réel !
 La forêt, 
  la vie lui paraissaient plus belles et par miracle, le petit lac d'eau salée 
  avait disparu, pour laisser place à des centaines de fleurs bleues qui 
  égaillaient et parfumaient ce bois de feuillus, tellement triste avant 
  l'arrivée de la princesse.
 Plus le temps passait et plus 
l'amour de Pti Lutin pour Fleurbleue, la Princesse des baies, grandissait ; mais 
comment le lui dire ? comment la séduire ? autant de questions dont il ne 
possédait pas encore les réponses.
 Il aurait tant aimé la prendre dans ses 
bras, goûter à la saveur sucrée de fruit de ses lèvres, et humer son parfum 
sensuel de fleur … mais il était si petit… ce rêve était des plus insensés 
!
            
     La princesse, encore à genoux devant 
lui, la main posée sur le petit chapeau du lutin, était songeuse ; 
machinalement, elle faisait tinter les grelots…Elle 
  ne pouvait se résoudre à le quitter, il lui plaisait tellement ! et pourtant, 
  elle avait conscience de sa taille minuscule 
  :
       
              
   
  " Que 
faire pour qu'il grandisse, pour qu'il devienne un jeune homme de taille normale 
? "Car, sans se l'avouer, le cœur de Fleurbleue battait 
  étrangement la chamade depuis leur rencontre.
       
   Tout à coup, au son d'une clochette, 
une idée lumineuse lui vint… Elle demanda à Pti Lutin 
:
 - Veux-tu être aussi grand que moi ?
    Le lutin écarquilla ses yeux 
bleus, étonné d'une pareille question... 
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       - B ien sûr que j'aimerais être aussi grand que toi, 
  mais je suis né lutin et je le resterai, c'est ma destinée de lutin 
  !     
                
         
         
  La petite Princesse des baies fit la 
moue, mécontente de cette réponse, et, lui posant le doigt sur le nez, en 
appuyant dessus comme sur une sonnette, lui rétorqua :
 - Comment peux-tu être aussi 
  fataliste ? tu te sous-estimes ! En toi, il y a des trésors à découvrir, une 
  énergie phénoménale mais tu ne t'en sers pas 
  :      " on peut tout, si on le 
  désire vraiment "          
  Le lutin était un peu dépité par la 
leçon de morale de Fleurbleue. Il la trouvait toujours aussi belle et attirante, 
mais exigeante.Cependant, comme animé par 
  un ressort, il se mit sur ses pieds et se lança un défi. Il bomba le torse, 
  remonta son pantalon et se recoiffa. D'un geste tendre mais déterminé, il prit 
  la main de la princesse dans la sienne et la posa sur son cœur.
            
               
              
        Mais malgré son audace soudaine, il manquait 
de confiance en lui ; dans sa tête, de nombreuses questions, sur elle, sur lui, 
sur la différence qu'il avait et les séparait, le tourmentaient.Pourtant, ce bien-être qu'il ressentait 
  au fond de lui, c'est elle qui le provoquait ! et sur cette conclusion, il 
  décida de tenter sa chance et de passer outre cet écart ; elle avait bien 
  raison :
        
      " on peut tout, si on le 
  désire vraiment "   Il choisit de la prendre dans ses 
bras pour être encore plus près d'elle, posa sa tête sur son épaule et lui fit 
un doux bisou dans le cou : elle avait la peau douce et sucrée comme il 
l'imaginait.A cet instant, il aurait aimé que tout reste figé, que les 
oiseaux arrêtent de chanter et les plantes de pousser, rester éternellement 
contre elle.
 
 
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                Fleurbleue se releva très troublée par ce baiser dans le cou, 
  léger comme un battement d'ailes de papillon. Elle éprouvait des sentiments 
  mélangés : c'était une attirance pour ce lutin qu'elle connaissait à peine ; 
  une sorte de magnétisme qui lui donnait des envies de toucher son visage, de 
  dessiner le contour de sa bouche. Elle avait des pulsions de femme et en même 
  temps, celles d'un artiste, celles d'un sculpteur, qui suit du doigt la courbe 
  d'une joue ou le rebondi d'un sein pour se rendre compte de la douceur des 
  formes de la pierre à tailler.        
                 
   Reprenant ses esprits, elle lui dit :       - Ecoute Pti Lutin, je viens de 
  te dire que la force est en toi. Ferme les
 yeux et concentre-toi. Dis-toi que tu veux être très GRAND. 
  Vas-y !!      
    Le lutin ferma les yeux, se concentra, respira un bon coup… ce 
qui eût pour effet de gonfler sa poitrine… les petits boutons du gilet de 
velours vert mousse se mirent à sauter un par un, comme des puces…
 La 
Princesse des baies éclata de rire…Pti Lutin se renfrogna, il n'était pas 
content qu'elle se moque ouvertement de lui.
 La jeune fille 
  s'excusa en lui touchant la joue du revers de la main :
       
        - 
  Essaie encore !  reprit-elle
   
            
                
       Cette fois, aspirant de l'air par 
  le nez, il souffla, souffla…fffffffffffouuuuu… tellement fort que les feuilles 
  de l'arbre aux 1000 pouvoirs se mirent à trembler et même certaines… à 
  tomber.     
     RIEN NE SE PASSAIT !    
              
    Il était toujours aussi petit et en 
  plus, ses joues avaient pris une teinte cramoisie.    |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  | 
        
     Fleurbleue, 
  légèrement décoiffée par le souffle du lutin, riait, riait aux larmes.Pti 
  Lutin, vexé, remit son chapeau à grelots sur sa tête et partit en courant dans 
  la forêt.
 En deux enjambées, la princesse le rattrapa par la manche de son 
  habit et lui murmura tendrement :
 
    - Attends mon cœur, ne pars pas 
  !  j'ai une autre idée  
    En s'entendant 
  appelé " mon cœur ", le lutin ne put résister davantage au son de cette voix 
  qui le charmait tellement - de véritables petites notes de piano qu'elle 
  égrenait dans tout son corps meurtri - Il          
             
          
           l'écouta donc, avec          
             
          
          la plus grande attention 
  :
    - Tiens, prends mon panier et va dans la forêt. Ramasse toutes les 
  baies que tu trouveras. Prends garde ! il faut que ces baies soient comestibles 
  !
 Le lutin perplexe s'exclama :
 
   
         - Mais, que 
  ferai-je de tous ces fruits ?- L'arbre aux 1000 pouvoirs m'a confié qu'ils 
  pourraient te faire grandir, répliqua Fleurbleue
 - Ah 
  oui ? …mais c'est GENiAL !
          
     Il prit le panier, lui fit un clin 
  d'œil et dit d'un air coquin :
         
      - Ne bouge pas ma douce, je reviens 
  très vite        
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |    Il était sûr de lui car 
  la forêt, il la connaissait comme le fond de sa poche : c'était son domaine, 
  son " chez-lui ".                    
             
        Il prit ses jambes à 
  son cou et galopa entre feuillages, branches et ronces. Dans sa tête, 
  la douce mélodie de la princesse l'appelant "mon cœur", marquait son pas de course.Au bout d'une bonne heure, à une 
  cadence effrénée, il s'arrêta pour reprendre sa respiration. Son visage s'était rembruni car aucune baie n'était en vue; 
  dans les fourrés, il n'apercevait que le vert du feuillage!
 Et ce 
  qui n'arrangeait rien, le jour commençait à baisser. Il s'assit contre un arbre pour se reposer 
  et réfléchir. Il prit sa tête entre ses mains, suivant son habitude, en soupirant de 
  découragement.Quand, un léger craquement de feuilles sèches, 
  piétinées,  se fit entendre !
            
            
                  
          C'était un petit buisson touffu ! 
        Lequel 
  buisson bougeait  étrangement!        
  
  Curieux, il se leva et s'approcha en catimini… Il vit remuer une petite 
  queue noire posée sur un postérieur couleur feu. 
  Intrigué mais craintif devant l'inconnu, il recula de quelques pas...la petite queue, s'agita plus fort, ainsi que 
  le reste du corps. Sans demander son reste, il prit la fuite. 
  Seulement, dans sa 
  précipitation, il trébucha sur un bout de bois, et s'étala de tout son 
  long. Ce bruit avait attiré l'attention de la bête…
   
              
               
                   
  Pti 
  Lutin, affalé sur un tapis de feuilles mortes, entendait le monstre 
  se rapprocher. Une goutte de sueur perla sur son front  quand il vit sortir de la pénombre 
  " le petit buisson touffu ". A son grand étonnement, il constata que " le monstre " en question 
  n'était autre qu'un petit chien, avec une drôle de petite bouille.Sans gêne, il s'approcha 
  du lutin encore allongé sur le sol et le 
         
   
   flaira minitieusement… snif-snif… snif-snif
 
 Sa première frayeur passée, Pti Lutin tenta 
  de lui caresser la tête, aussitôt, le petit chien lui lécha la main.Alors, 
       il se produisit une chose étrange : le cœur du lutin 
  se mit à battre très fort. Il continua à passer sa main sur tout le corps de 
  l'animal car ce contact soyeux et tendre répandait en lui, une chaleur agréable, semblable à 
  celle qu'il avait éprouvée pour la princesse .
 Le chiot se laissait 
  faire, il paraissait apprécier la compagnie du lutin. Il se coucha à ses 
  pieds… et tous deux surent qu'une grande histoire d'amour venait de 
  naître.
 Néanmoins, le petit être ne perdait pas de vue la mission qu'il avait à accomplir : il lui 
  fallait absolument trouver ces baies !!! car une autre histoire d'amour en 
  dépendait.En observant le chien allongé près de lui, il se demanda d'où celui-ci 
  pouvait bien venir, il n'était ni maigre, ni efflanqué : " 
  Peut-être appartenait-il à quelqu'un? "
         
                Mais, ce 
  n'était plus le moment de chercher quoi que ce soit : ni une réponse à ses questions, 
  ni les baies ! Il faisait nuit noire, à présent. Il décida 
  donc de dormir là, sur la mousse, à la belle étoile. Le petit chien, instinctivement, vint 
  se blottir contre lui et de sa langue râpeuse lui fit 
  un bisou tout mouillé sur la joue.             
                  
                 
                
              
              Pti Lutin s'endormit heureux pour 
  la première fois de son existence, avec une pensée optimiste " La 
  vie était belle et pleine de surprises "   
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |    A près le départ du lutin, Fleurbleue s'était assise à 
  son tour, le dos appuyé contre l'arbre, les paupières closes pour mieux 
  apprécier la douceur de l'air de cette journée de printemps ; ce n'était pas le 
  soleil brûlant de l'été, mais la tièdeur  d'une légère brise qui la caressait 
  agréablement.    Son esprit s'évadait et la ramenait sans 
  cesse à Pti Lutin, d'abord avec émotion, ensuite avec passion. Pourtant très 
  vite, ses rêves bleus se teintèrent d'inquiétude :
 - Et si 
  l'arbre aux 1000 pouvoirs avait menti !
 - Et si les baies récoltées ne faisaient pas grandir 
  celui qui devenait de plus en plus, cher à son cœur !- Et si les fruits étaient empoisonnés comme ceux 
  de la belladone, d'un rouge sang virant sur le noir, couleur 
  de la mort !
  
                
              
          Au fur et à mesure que les heures s'écoulaient et que le doute 
  s'installait, les battements de son cœur s'accéléraient :-Avait-elle mis suffisamment le lutin 
  en garde ? Elle était prise de panique ; peut-être que tout ce qu'elle vivait 
  depuis peu n'était qu'une utopie, des désirs inassouvis, imaginaires, juste 
  dans sa tête !
 Alors, des larmes de désespoir coulèrent, inondant son visage 
  et sa robe couleur de ciel.Elle pleurait à gros sanglots. Son corps était 
  secoué par des hoquets, des gémissements.
  Soudain, le ciel s'ouvrit, déchiré par des mains 
  invisibles.En un instant, il déversa sur elle et sur la forêt, des 
  rideaux de pluie. Le tonnerre gronda. Des éclairs aveuglants zébrèrent le 
  firmament.
    
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  | 
    La princesse, 
  trempée jusqu'aux os, s'était levée et avait pris l'arbre à bras le corps, 
  essayant de s'abriter le plus
 possible. Puis, exténuée par tous les 
  évènements de ces
 dernières heures, elle s'évanouit et n'eût plus 
  conscience de rien..
 
 Dans le bois, le calme était 
  revenu. La pluie avait cessé de tomber. Le tonnerre s'était tu. Un pâle soleil 
  tentait une percée timide dans les nuages.Sur le sol détrempé couvert de 
  mousse, là où la jeune fille s'était évanouie, une fleur bleue gorgée d'eau 
  était réapparue.
 
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   Ce 
  déchaînement des éléments était-il le signe de la colère de l'arbre ou celle 
  du ciel ?? le manque de confiance de la Princesse des baies avait-il fâché le 
  géant de la forêt 
  ?                                            
             
                 
         
   
    
 |  | 
 |  |  |  | |  |   Pendant ce temps, parcourant la 
  forêt avec son nouveau compagnon, Pti Lutin recherchait désespérément des 
  baies dans la pénombre.Il était exténué et découragé par cette nouvelle 
  journée infructueuse.
 Il jugea qu'une pause leur serait bénéfique pour 
  reprendre des forces. Il s'étendit sur un tapis de verveine odorante, sa tête 
  appuyée contre un arbre, comme à l'accoutumée.     Le 
  petit chien, immédiatement, vint s'allonger près de lui et le regarda avec ses 
  petits yeux marrons, brillants de reconnaissance: il avait l'air heureux 
  d'avoir trouvé un ami.
 Ils s'installèrent confortablement ; et dans le 
  parfum suave de la verveine et la sérénité de la forêt, éclairée par les 
  étoiles, ils s'endormirent l'un contre l'autre…
 Pti Lutin, dans son sommeil 
  paisible, rêvait de sa princesse. Il s'imaginait avec elle, main dans la main, 
  parcourant la terre à la découverte de nouveaux paysages et de contrées 
  lointaines,  où leur différence n'aurait aucune importance ; il était si 
  bien avec elle…
 
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |    
   Un jour nouveau se 
  leva… Réveillés par un rayon de soleil 
matinal, nos deux compères se mirent en route rapidement, à la recherche des 
fameuses baies.
 D'un pas soutenu, ils prirent la direction 
d'une petite colline 
qui se dessinait au loin…
 Durant la marche, Pti Lutin admirait son compagnon 
: il avait fière allure dans sa robe luisante, couleur noir et feu. C'est à ce 
moment là qu'il eût une idée ; il fouilla dans la poche de son petit gilet et en 
sortit une vieille baie toute ramollie qu'il plaça sous le museau de son 
ami.
 Le petit 
chien, aussitôt, renifla le fruit, agitant sa 
queue, tout joyeux. Il 
regarda le petit lutin d'un air interrogateur, les oreilles légèrement cassées. Son 
nouveau maître lui dit : " cherche mon ami, cherche… "
 Sans se faire prier, il se mit à 
  flairer le sol de terre battue, les fourrés - sa truffe noire excitée par 
  l'odeur, frémissait -  La journée s'annonçait chaude ; le 
  soleil était implacable et pourtant il n'était pas encore au zénith. Toute la 
  nature était en éveil, on entendait des gazouillis et des chamailles d'oiseaux dans les 
arbres, le crissement des cigales et des criquets, le bourdonnement des abeilles 
butinant les fleurs du sentier, et les snif-snif du chien.Pti 
Lutin, confiant, le suivait ; ils avaient quitté la plaine et empruntaient le 
chemin caillouteux et escarpé qui grimpait jusqu'à la colline. Son front était 
couvert du sueur  et de temps à autre, il l'essuyait d'un revers de la main.
 Il avait 
un peu de mal à suivre de près son compagnon, à cause de ses jambes courtes, et 
il ne pouvait s'empêcher de pester tout-haut contre la nature qui voulait que 
les lutins soient petits : " Pourquoi suis-je de si petite taille, c'est d'un 
ridicule !! "
 L'adorable petit chien, comme s'il avait compris le handicap de 
son maître, s'asseyait sur ses pattes arrière et paraissait l'attendre.
 Ils atteignirent enfin le haut de la colline, qui portait le nom de Mont 
Pujols. Le chiot s'arrêta net, renifla l'air et se dirigea, sans hésitation aucune, 
vers un vieux jardin envahi par les mauvaises herbes. Non loin, se dressaient 
les ruines d'une ancienne chapelle. Pti Lutin enjamba le grillage rouillé de la 
clôture, et se retrouva au milieu de ce qui avait dû être autrefois le potager du curé 
: des salades immenses montées en graines, des tomates aux formes 
biscornues courraient sur le sol au milieu des fleurs de melons. En voyant ces légumes, 
Pti lutin sentit son estomac crier famine mais il n'eût pas le loisir de 
ramasser quoi que ce soit, son compagnon à 4 pattes se mit à japper joyeusement 
: des groseilliers, framboisiers, myrtilles égayaient de leurs petits fruits 
colorés un muret rongé par les mousses.
 Le lutin n'en croyait pas ses 
yeux, tant il y en avait… il se mit à rire à gorge déployée… à sauter de joie… 
attrapa les 2 pattes avant de son chien et lui fit faire des petits pas de 
danse. L'animal se laissait faire, béat, la gueule ouverte découvrant ses crocs 
: on aurait dit que lui aussi, riait.
 Son maître le félicita de 
  quelques petites tapes sur les flancs. Ensuite, il commença à remplir son 
  panier avec les précieux fruits, en songeant à sa princesse. Tout semblait 
  possible à présent : Il se voyait grand… très grand !
 - avec des bras pouvant enlacer la 
  taille de sa 
  bien-aimée,                  
   - avec des mains pouvant 
  caresser son visage,     - avec des jambes longues pouvant 
  marcher à la même cadence que sa Fleurbleue.   
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    La Princesse des 
  baies, redevenue à l'état floral couleur de ciel, secoua vivement ses pétales gorgées d'eau. 
Cette pluie avait redonné vigueur à sa tige, et sa corolle s'était déployée. 
Fleurbleue, l'esprit plus clair, réfléchît aux événements qui s'étaient 
produits.En vérité, elle 
  comprenait que l'arbre aux 1000 pouvoirs s'était fâché contre elle, à cause de 
  son manque de confiance. Elle tenta d'user de ses charmes auprès de lui pour 
  essayer de 
  l'attendrir.
           
               
        
 Un rai de soleil se posa sur 
elle ; aussitôt sa jupe plissée prit un air pimpant, légèrement velouté.Et c'est avec ce velouté, cette douceur dans la voix 
  qu'elle s'adressa à l'arbre :
   - Oh bel arbre ! toi qui règnes en roi de la forêt, veux-tu me 
pardonner ?
  - Puis-je obtenir de toi une nouvelle 
faveur ? Je te promets désormais de croire aveuglément en 
toi ! 
    
                
         L'arbre multi-centenaires à 
  l'écorce rude, avait le cœur tendre et ne put résister à cette jolie fleur 
  bleue ; il la questionna :         - Que veux-tu belle enfant ? 
     - Oh bel arbre ! fais-moi redevenir 
  la Princesse des baies pour que je puisse rejoindre mon bien-aimé, supplia la 
  fleur de lin                 
       - Soit ! mais c'est ta dernière 
  chance, ne la laisse pas passer, il n'y en aura plus d'autre.           
           Sitôt ses paroles proférées, il y 
  eût une nouvelle tornade éblouissante qui laissa place à : la Princesse des 
  baies. Sans plus attendre, la jeune fille, après avoir 
embrassé le tronc de l'arbre, en signe de remerciements, partit à la poursuite 
de Pti Lutin.
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 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   La princesse marchait d'un bon pas. 
  Parfois, lorsque son cœur s'angoissait en songeant à son ami et aux risques 
  qu'il encourrait, elle se mettait à courir. Au bout d'une heure de cette 
  course contre la montre, elle se retrouva dans un endroit de la forêt qu'elle 
  ne connaissait pas. Autour d'elle, tout n'était que buissons épineux, 
  lianes enchevêtrées, plantes grimpantes aux feuilles charnues recouvertes de 
  duvet, troncs d'arbres tortueux aux aspects 
  fantomatiques.
 L'atmosphère était humide et chaude après l'orage du jour précédent. Elle 
  avait l'impression de baigner dans une étuve qui recouvrait son visage de 
  fines gouttelettes 
  d'eau.
 Elle voulait reprendre son souffle, mais l'air était irrespirable : des 
  senteurs capiteuses, poivrées, musquées, de bois pourris, de champignons 
  sauvages lui montaient à la tête et l'étourdissaient.
 Elle leva 
  le regard pour chercher dans le ciel une bouffée d'oxygène,  mais 
  là aussi, tout paraissait hermétiquement clos. Le ciel et sa légèreté était 
  absent du décor. Au-dessus d'elle, comme un couvercle, les feuillages 
  des arbres gigantesques d'essences variées, avaient rapproché leur tête et 
  semblaient l'observer de leur hauteur majestueuse. C'était un camaïeu de 
  verts, lourd, pesant…  ces verts noirâtres, poudrés,  l'angoissaient. La jeune 
  fille tomba à genoux et ferma les yeux pour échapper à ce sinistre paysage. Elle 
  tenta de se concentrer sur le but de sa venue 
  en ces 
  lieux :
 - Où était-elle ?    -  Peut-être se trouvait-elle dans le domaine des 
  Elfes  arboricoles, à la queue en panache, 
  couleur de rouille- Ou plutôt, dans celui des Amphibiens aux yeux 
  globuleux qui envahissent les marais ?
 
 Elle était bel et bien 
  perdue. Elle frissonna malgré la chaleur accablante…
 Alors qu'elle essayait 
  de mettre de l'ordre dans ses idées, elle sentit sur son bras quelque chose 
  l'effleurer, la chatouiller ;  elle ouvrit les yeux brusquement et 
  constata avec soulagement que ce n'était qu'une  simple liane qui la 
  frôlait. Elle sourit intérieurement de sa peur à fleur de peau et 
  courageusement, après coup, elle se remit sur ses pieds.
  
             
                
           La Princesse des baies inspecta les 
  alentours pour tenter de découvrir une issue. Ses yeux s'étaient habitués au 
  clair-obscur de la forêt ; elle distingua, sur un buisson vert-cendré, de 
  fines tiges enroulées comme des lianes, porteuses de baies rouges, globuleuses 
  à la fine membrane brillante, cirée : elles paraissaient mûres, prêtes à 
  craquer sous la dent. L'aubaine était grande ! 
  Instinctivement, oubliant son propre sort, ne pensant qu'à son lutin 
  bien-aimé, elle se mit à les cueillir, une par une, fébrilement, les mains 
  légèrement tremblantes. Il s'agissait d'en récolter le plus possible et donc, 
  de ne pas en perdre une seule … son bonheur en dépendait ! Elle déposa ensuite 
  les fruits dans son petit mouchoir de fine batiste bleu d'azur, et 
  contempla  sa cueillette avec bonheur ; il y en avait beaucoup !  
  c'était si joli ces petites boules vermillon sur ce bleu tendre !
  
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   Mais ses efforts avaient creusé son appétit… elle se sentait 
  dolente, affamée :          " 
  Pourquoi n'en mangerait-elle pas 2 ou 3, il y en avait tant, des baies ! et 
  puis, elle en trouverait d'autres sur son chemin ! 
  "
 Enhardie par cette idée, elle porta à ses lèvres 
  3 petits fruits, et avec gourmandise les fit craquer sous son palais….
 elle 
  avait fermé les yeux pour savourer plus encore, ce dessert inespéré… 
  Malheureusement, qu'elle ne fût sa stupéfaction et son horreur, en constatant 
  que les airelles étaient  terriblement amères !!.
 Elle cracha aussitôt… mais sa 
  bouche n'était que du fiel, que du feu…un foyer ardent faisant songer à 
  l'entrée de l'enfer… Il lui fallait boire absolument. !! Elle se mit à courir en tous sens 
  pour se frayer un passage dans les buissons.  Sa robe s'accrocha dans les 
  ronces, se déchira avec un bruissement douloureux de pétales écrasés, mais 
  elle n'avait garde à son habillement ; l'incendie qui se propageait dans sa 
  bouche, sur ses lèvres, la consumait toute entière et l'empêchait de penser… 
  son pied glissa tout à coup sur quelque chose de gluant, elle ne put rétablir 
  son équilibre et se retrouva affalée au bord d'un  marécage, glauque, 
  poisseux, où  des débris végétaux flottaient à la surface… Sans plus réfléchir au dégoût 
  qu'elle éprouvait à patauger dans cette vase, elle but une gorgée de cette eau 
  croupie pour éteindre le feu de sa bouche, de son gosier, de ses entrailles…la 
  tête lui tournait, ses yeux étaient révulsés. Elle voyait la forêt flotter, 
  danser autour d'elle ; sa vue se troublait, ses oreilles bourdonnaient, et 
  elle crût même entendre des rires étouffés, des ricanements, des cris 
  aigus…  dans un dernier effort, elle tendit la main vers une sorte de 
  branche, pour s'agripper, car le sol mouvant se dérobait sous elle et une 
  force invisible  l'entraînait vers le fond du marais.      
         Hélas, la pauvre princesse n'était 
  déjà plus de ce monde …
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  | 
    Les marécages silencieux, avant la 
  venue de Fleurbleue en ces lieux, s'étaient animés. Du fond de la vase, de 
  grosses bulles d'air remontaient à la surface et éclataient avec un claquement 
  de lèvres mouillées.Des ondes se dessinaient autour des bulles ; de petits 
  ronds s'élargissaient sans fin en un mouvement ample et lent. Le marais 
  prenait vie… les débris végétaux s'écartaient et s'entassaient sur les bords 
  ensablés, laissant voir une eau pure, presque transparente ;  le soleil, 
  qui avait réussi à se faufiler entre les feuillages des arbres, tombait 
  en  éventail irisé dans la mare, lui donnant une couleur de ciel, 
  semblable à la robe de la princesse.
 Soudain, une énorme bulle éclata, 
  auréolée d'une multitude de gouttelettes d'eau. Au milieu de celles-ci, une 
  grenouille verte apparut. Elle était assise sur une large feuille de nénuphar, 
  comme une reine sur son trône. Ses gros yeux exorbités, très mobiles, 
  observaient les fourrés  d'un air scrutateur.  Ranacula, tel était son prénom, émit aussitôt un coassement, auquel des 
  centaines d'autres firent écho. Toutes les grenouilles du Domaine du Marais 
  sortirent de leurs cachettes, répondant à l'appel de leur reine . Elles se 
  regroupèrent autour de Ranacula, hissées sur des feuilles et des branchages 
  flottants, attentives au moindre de ses désirs.
 La reine expliqua à ses congénères 
  la scène dont elle avait été témoin : quelque chose d'énorme avait glissé dans 
  les eaux et se trouvait au fond du marais ! Il fallait absolument sortir cette 
  " chose " de l'eau, sous peine de pollution…. On entendit subitement, dans le 
  Marais et au-delà, un bruit infernal de coassements :  chaque grenouille 
  voulant connaître un détail, ajouter un commentaire, donner son avis…elles 
  parlaient toutes à la fois !!     |  | 
 |  |  |  |  |  | |  | 
        
                
     Puis il y eut 
  des : Plouf  !!!…   Flac !!!… Tchouu  !!!…  Ploc 
  !!!…  les grenouilles plongeaient les unes après les autres dans l'eau, 
  joyeusement, comme des enfants dans un bassin… La mission du jour était la suivante : Remonter à la 
  surface, le corps étranger qui était immergé !!…. et qui 
polluait…
 Les Amphibiens découvrirent 
  rapidement la " chose ".  Ils se mirent autour d'  "elle " et avec leurs 
  longues pattes, couvertes de papules rugueuses, agrippantes comme des 
  ventouses, réussirent à faire bouger la masse ensablée. Libérée du sable, la 
  "chose" remonta en surface, puis se mit à flotter. Les grenouilles n'eurent plus 
  qu'à diriger le corps, comme un radeau, vers le bord du marécage. La colonie de  grenouilles, 
  ainsi que Ranacula, entourèrent Fleurbleue, car il s'agissait bien d'elle 
  :   -  Comment sous la vase noirâtre qui couvrait son visage 
  ?
 -  Comment sous les algues qui 
  s'étaient entremêlées à ses cheveux ?       -  Comment dans ces lambeaux 
  de chiffon trempés, souillés, reconnaître celle qui avait été la jolie 
  Princesse des baies !             
              
    Ranacula, sans plus d'ambages, 
  avait sauté d'un bond sur le front de Fleurbleue et contemplait celle-ci comme 
  un trésor. Elle avait reconnu, en la jeune fille, une intelligence supérieure, 
  dont elle pourrait faire son alliée pour diriger le Domaine du Marais. 
  Mais en la voyant inanimée, elle comprit rapidement que sa vie ne tenait 
  plus qu'à un fil, car elle avait absorbé des quantités incroyables de liquide…
 Elle coassa une deuxième fois… Sur le champ, les 
  rainettes se mirent à sauter sur le ventre et la poitrine de la jeune fille, 
  comme sur un trampoline..
 - Et un , et deux, et trois  … ce qui fit sortir de 
  la bouche de cette dernière, des litres et des litres d'eau…Mais elle ne revenait pas à la vie 
  !
 
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   La reine des rainettes s'avouait 
  difficilement vaincue. Une idée germa dans sa tête globuleuse. 
     Elle coassa une nouvelle 
  fois, mais d'une manière différente.
 Un bruit de feuilles 
  froissées se fit entendre dans les grands arbres alentour…et des branches se 
  mirent à remuer :  un étrange petit être descendait de la cime des arbres 
  en sautant de rameau en rameau. Il se retrouva bientôt sur le 
  sol.        Son corps était 
  menu, ses oreilles minuscules, par contre il 
  était pourvu d'une magnifique parure : une énorme queue de poils roux se 
  terminant en  panache. L'écureuil s'assit sur ses pattes arrière, face à 
  Ranacula. Il poussa un cri perçant et des craquettements de gorge en 
  apercevant la princesse. Il semblait dire :   " Mon Dieu ! 
  pauvre enfant ! " .
 Ayant compris la situation, 
  il alla tremper sa queue en panache dans l'eau, et avec un soin infini, 
  presque maternel, lui lava le visage, le cou, débarrassa sa chevelure des 
  algues gluantes.  Elle retrouvait enfin un aspect humain et  
  semblait dormir d'un profond sommeil.   L'instant 
  était solennel … un silence 
  pesant régnait sur le Marais.        La reine des Amphibiens, 
  Ranacula, et la reine des Elfes arboricoles, Ecurana,  
  parlementaient  :     "  Que faire 
  pour  sortir  la Princesse des baies de son coma ? Qu'avait-elle 
  donc avalé pour se trouver dans cet état ? "
 Elles décidèrent toutes deux de la renverser sur le ventre. 
  Les grenouilles, une nouvelle fois mises à contribution, sautèrent sur son 
  dos, à qui mieux-mieux.    Et… enfin !  de la bouche de 
  Fleurbleue, 3 petites boules à demi-écrasées furent 
  éjectée.
     
               
           
              
     
   La reine des Amphibiens, aussitôt, sentit 
  l'odeur de ces baies et constata qu'il s'agissait des fruits vénéneux de la 
  belladone. 
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  |   C  e fût 
  d'abord un brouillard dense et plombé. Ensuite, ce brouillard 
  devint blanchâtre, cotonneux, léger. Puis, cette blancheur fût éclairée par 
  des flashs lumineux aux éclairs dorés, qui laissaient entrevoir par les 
  trouées, une pâle couleur de ciel … Fleurbleue sortait peu à peu de son 
  profond sommeil pour revenir doucement à la vie. La jeune fille, toujours allongée 
  sur l'herbe, clignait des yeux, éblouie par la lumière du jour … bien vite 
  pourtant, elle les referma, effrayée par ce qu'elle venait de distinguer 
  au-dessus de sa tête : deux monstres, l'un verdâtre aux yeux globuleux et 
  l'autre couvert de poils roux, l'observaient attentivement !!! Ranacula et Ecurana, qui s'étaient 
  penchées au-dessus de la princesse, toujours inquiètes de son sort, comprirent 
  sa peur panique et s'écartèrent d'elle d'un bond en arrière. Ecurana, qui 
  avait un tempérament un peu coquin, ne put s'empêcher en s'éloignant, 
  d'effleurer, de sa queue en panache, le visage de Fleurbleue - ce qui eût pour 
  effet de la chatouiller et même de la faire éternuer :                                      
  " AAAAAATCHOUUUUM ! " 
                                                                   
   Par cet effort, elle se retrouva 
  assise, et quelle ne fût  sa surprise en découvrant les créatures qui 
  l'entouraient et la contemplaient avec curiosité : une centaine de grenouilles 
  vertes et un écureuil couleur de rouille.Son réveil, tant attendu, fût 
  acclamé joyeusement par un tintamarre assourdissant de coassements et 
  craquettements….
 
 |  | 
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          Loin dans la 
  forêt, au-delà de la cime des arbres, ce bruit retentit.Le petit chien 
  blotti contre le lutin, pour une sieste réparatrice, se réveilla. Ses oreilles 
  pointues et torsadées se dressèrent en état d'alerte. Pti Lutin se leva brusquement, et écouta attentivement ce vacarme inattendu en un 
  tel endroit…
  - Que se passe-t-il ? dit-il en 
  interrogeant du regard son chien ;   
              
              
             
     
          On dirait des grenouilles !!! et si 
  ce sont des grenouilles, l'eau n'est pas loin … il faut que nous partions immédiatement, le bruit nous guidera 
  et nous pourrons peut-être boire !  …pfouuu, j'ai tellement soif ! " 
       
                 
             
          - Viens 
  mon chien, viens,  un petit effort et tu pourras te désaltérer toi 
  aussi,  tu le mérites, tu as bien travaillé
  
       
    Pti Lutin regardait le panier 
  d'osier tressé débordant de fruits mûrs : des framboises aux grains mats 
  veloutés, des groseilles rouges brillantes, des myrtilles noires légèrement 
  poudrées… tout était là  - un vrai miracle - dans le panier, grâce au 
  flair de …." de qui,  au fait ? 
  "                           
   
   Il 
  s'aperçut tout à coup que son nouvel ami à quatre pattes n'avait pas de nom ; 
  alors, pendant qu'ils marchaient tous les deux, côte à côte, les pas de l'un 
  dans les pas de l'autre, cadencés par l'harmonie de leur entente parfaite, le 
  lutin chercha vainement un prénom :- Tom ? nonnn … c'est trop 
  commun !
 - Pif ? … il a du flair maiiiis …. nonnn
 - Mat 
  ?…ah ! il a une vue perçante… peut-être que …
 - En fait, il a toutes ces 
  qualités réunies : le flair, la vue, l'ouïe et un bon-sens peu ordinaire… une 
  sorte de sagesse, de … mais ouiiiii !!  je sais comment je vais l'appeler 
  : " SOCRATE"  comme le 
philosophe
 |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  | 
    La petite princesse, malgré les soins attentifs de Ranacula et 
  Ecurana, dépérissait à vue d'œil. Son visage si rayonnant  autrefois, 
  quand elle parcourait insouciante la forêt, pour la cueillette de ses fruits 
  préférés, avait perdu de sa gaieté ; il était devenu triste, sa peau, 
  diaphane, et des cercles bleuâtres entouraient ses yeux à l'ordinaire si 
  pétillants. Ils avaient pris eux aussi un ton délavé ; leur couleur de 
  chocolat fondant était devenue terne. Et même sa robe de soie, couleur de ciel 
  d'été, palissait.Elle se morfondait. Pti Lutin et elle étaient séparés 
  depuis tellement de jours !  Mille questions  tourmentaient son 
  esprit et son âme 
  :
 
 - Où se trouvait Pti Lutin ?  
  était-il encore vivant ? rien que d'y penser, elle frissonnait, et des larmes 
  noyaient ses pauvres yeux 
  !!            - Etait-il perdu dans la forêt 
  ?Ou 
  alors
 - L'avait-il complètement 
  oubliée,  s'apercevant que la tâche était trop ardue et, peut être, ne le 
  reverrait-elle plus jamais…. Et là également, rien que d'y songer, elle se 
  remettait à pleurer, ne pouvant concevoir une fin si triste à leur histoire 
  d'amour, à peine commencée !   La reine des rainettes et la reine 
  des écureuils assistaient, impuissantes, au dépérissement de Fleurbleue, qui 
  ressemblait de plus en plus à une fleur oubliée dans un vase tari de son 
  eau.Elle s'étiolait….
   |  | 
 |  |  |  |  |  |  |  | |  | 
    Une nuit où le sommeil l'abandonnait, Fleurbleue alla se 
  promener autour du Marais. Le ciel était clair. Une lune pleine 
  illuminait d'argent la voûte céleste, et une multitude d'étoiles clignotaient 
  gaiement. En leur présence, la pauvre enfant se sentait moins seule. Elle 
  s'assit sur la mousse fraîche, car ses jambes affaiblies ne la portaient plus. 
  Elle fixa la lune et les étoiles, devenues au fil des jours ses amies et 
  confidentes, et tout-haut s'adressa à elles :
 - Dites-moi, vous si 
  belles et si brillantes, vous qui de là-haut avez une vue plongeante sur notre 
  Terre, mais dites moi, dites moi donc, où se trouve Pti Lutin ?
   La tête levée, toute à sa 
  contemplation et sa prière,  elle entendit, soudain, un bruit… ou plutôt 
  un bruissement de feuillage. Dans l'ombre de la nuit, elle scruta les buissons 
  d'où provenait le bruit… le feuillage bougeait - sans doute un écureuil, 
  fidèle sujet d'Ecurana, qui l'observait et la protégeait des dangers !!! 
  -Mais le buisson, avec de grands balancements de branches, s'ouvrit et 
  dans la lumière de la lune, comme dans un mirage, apparût celui qu'elle 
  cherchait désespérément depuis si longtemps : Pti Lutin
 D'abord, elle crut qu'elle rêvait. 
  Encore, la nuit dernière, il lui semblait qu'il l'appelait, qui lui murmurait 
  :  " Ne m'oublie pas, ne m'abandonne pas, reste avec moi !! ". Elle 
  crut que c'était là le fruit de son imagination délirante, due à son récent 
  empoisonnement.Elle se pinça le bras, violemment, mais l'apparition était 
  toujours là.
 Pti Lutin, son panier à la main, débordant de baies,  se 
  tenait devant elle, avec à ses pieds un étrange petit chien.
 Elle ne sut 
  que faire, que dire, tant son trouble était grand ! Elle prononça juste un 
  petit …
 - C'est toi, mon 
  cœur ?
 
 
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